Le socle naturel
Relief : où est le seuil du Poitou ?
Repère emblématique, le seuil du Poitou fait à la fois la limite entre les deux grands bassins sédimentaires de Paris et d’Aquitaine, et le lien entre deux parties du vieux socle hercynien, le Massif central et le Massif armoricain.
Bien que son nom porte à le placer plutôt au cœur du Poitou, sa position par rapport aux limites du département de la Vienne est décalée vers le sud, en limite de la Charente ou des Deux-Sèvres.
Ainsi, alors qu’il est tentant de simplifier la représentation du relief du département à deux axes complémentaires joignant les 2 bassins sédimentaires (axe NE-SW) et les deux parties du massif hercynien (Axe NW-SE) au centre du département, la réalité est plus complexe.
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le réseau hydrographique (sauf la Charente) s’écoule vers le nord depuis les limites sud du département et oriente l’ensemble du département vers la Loire. On est donc en présence, non pas d’une sorte de dôme qui résulterait du seuil du Poitou, mais d’un ensemble de plateaux et de buttes striés par des vallées, s’abaissant progressivement vers le nord.
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les points les plus hauts correspondent à la ligne de partage des eaux qui s’étend au SE de Montalembert, au sud du seuil, au sens géologique du terme.
En complément, la carte permet de lire le passage progressif des reliefs vers la Brenne au nord-est, ainsi que la nature très différente des contacts entre les bords situés du côté du Massif armoricain et du Massif central, très inégalement marqués.
Sur l’ensemble du département, les plateaux surmontés de buttes de quelques dizaines de mètres et parcourus par des vallées bien marquées constituent le principal système de relief. Les altitudes les plus fréquentes avoisinent 120 m mais s’abaissent au nord-ouest aux alentours de 50 m (35 m au plus bas à Morton), formant des plaines également surmontées de buttes. Près de la frontière ouest et sud-est elles augmentent légèrement et forment quelques collines (180 m à Benassay, 241 m à Adriers).
Des plateaux sédimentaires sous l’influence des massifs anciens
La jonction des bassins sédimentaires au-dessus du « détroit » du Poitou
Les marges hercyniennes étendent leur influence vers l’intérieur
Le versant granitique se termine dans la Vienne au bas de la Marche limousine, avant de céder la place aux plateaux calcaires qui ont recouvert le socle cristallin. Mais avant, pendant et surtout après que les mers du Secondaire ne déposent leurs sédiments, des débris issus de la chaîne hercynienne restée émergée se sont étalés assez largement au bas du versant. On les retrouve donc en surface mais aussi intercalés entre les bancs de calcaires marins. Les déformations et l’érosion ont aussi contribué à juxtaposer les affleurements actuels, granitiques, calcaires ou détritiques dans ce piémont qui s’étend sur une dizaine de kilomètres près de la frontière sud-est, et bien plus timidement à l’ouest, entre Rouillé et Ayron.
Les formes les plus répandues : plateaux étagés et buttes sédimentaires
En dehors des marges granitiques, une large part du département présente un relief typique de bassin sédimentaire formé de plateaux étagés plus ou moins entaillés par des vallées, et de buttes plus ou moins étendues. La relation avec la stratigraphie correspond à un schéma assez constant où les couches du Secondaire forment le plateau principal, et celles du début du Tertiaire (Éocène, Oligocène, plus rarement Miocène) les parties supérieures et les buttes.
Si les bancs épais de calcaires durs sont surtout caractéristiques du Jurassique moyen (j2 sur la carte au millionième), pour le reste, les correspondances entre lithologie et stratigraphie n’ont rien de systématique à l’échelle départementale, l’affleurement de marnes, calcaires, argiles, craies s’effectue à différentes altitudes, dans différentes situations de reliefs. On peut y voir un autre effet du seuil du Poitou qui, en amincissant la plupart des couches, crée une succession stratigraphique rapprochée qui permet de rencontrer un plus grand nombre de roches.
On peut cependant distinguer quelques ensembles géomorphologiques :
- Un petit tiers nord-ouest du département (suivant une limite passant entre Auxance et Pallu vers Neuville-de-Poitou, Bonneuil-Matours jusqu’à l’Ozon puis remontant vers le nord par Oyré) où la mise en valeur des buttes de craie (tuffeau(Craie poreuse à grain fin. Le terme peut désigner la roche, la pierre de construction, parfois le sol)) et argiles à silex du Turonien est nette au-dessus des sables et des marnes du Cénomanien, alors que dans les deux autres tiers du département les niveaux de plateaux s’étagent de manière moins différenciée.
- Entre Vienne et Creuse/Gartempe, un plateau surtout tertiaire riche en argile et en meulières et souvent recouvert de limons éoliens, se terminant au sud vers le plateau de Lussac-les-Châteaux à la forme particulièrement plate.
- La Butte de Champagné-Saint-Hilaire, l’un des rares reliefs marqués de l’ensemble jurassique.
- Le reste, incluant l’essentiel de ce qui se trouve à l’ouest de la Vienne depuis le plateau de Montreuil-Bonnin et la forêt de Moulière jusqu’à la Charente, est couvert par les formations plio-quaternaires qui recouvrent les assises jurassiques.
De nombreux accidents tectoniques
Hormis les marges hercyniennes, les calcaires du Secondaire constituent bien l’armature du département.
Mais, particularité viennoise, leur amincissement au-dessus du seuil du Poitou et la proximité des massifs hercyniens les a exposés aux mouvements tectoniques qui ont accompagné les soulèvements alpins au Tertiaire. Failles, anticlinaux et synclinaux sont ainsi nombreux à déformer le socle du département, selon une direction dominante nord-ouest – sud-est. L’organisation des reliefs et plus particulièrement le tracé des cours d’eau en subissent l’influence, et le nombre important et la discontinuité de ces déformations complexifient aussi la lisibilité du socle physique du département.
Érosion et dépôts de la fin du Tertiaire et du Quaternaire
Sur les plateaux, les affleurements correspondant au Secondaire ne sont pas si étendus malgré leur épaisseur relative car, en surface, les calcaires durs du Jurassique ou la craie du Crétacé sont souvent recouverts de formations majoritairement continentales du Tertiaire et du Quaternaire. Selon leur épaisseur ces argiles, marnes, limons se mélangent plus ou moins aux calcaires qu’ils recouvrent, contribuant là encore à la diversité des sols. A l’exception très ponctuelle des faluns d’origine marine (à Amberre), ces formations récentes assez variables sont continentales, lacustres, fluviatiles ou éoliennes. Si on compare la Vienne à d’autres parties des bassins sédimentaires de Paris et d’Aquitaine, les sédimentations continentales de la fin du Tertiaire et du Quaternaire en partie liées au massif hercynien y sont particulièrement importantes.
C’est une situation qui contraste avec le nord du Bassin parisien où les « limons des plateaux » d’origine éolienne homogénéisent la surface et lui donnent sa fertilité céréalière, ou avec le Bassin aquitain, largement recouvert par les sables au sud de la Gironde.
La coupe ci-contre montre la suite stratigraphique telle qu’on peut la rencontrer entre Vienne et Gartempe sur le plateau de Lussac-les-Châteaux. Si tous les terrains représentés sont susceptibles d’affleurer, depuis le socle granitique jusqu’aux limons quaternaires, les plateaux sont majoritairement constitués par les formations de la fin du Tertiaire qui recouvrent inégalement et en discordance les calcaires jurassiques. Les proportions variables de sables, d’argiles, de meulières, de limons ont longtemps inspiré les activités et l’occupation du sol en laissant une large place aux landes (brandes(Les brandes désignent une lande à bruyère à balais où se mêlent plusieurs espèces de bruyères, des ajoncs, des genêts, des fougères et des graminées. Il s'agit d'une lande de déforestation, qui se développe sur des sols pauvres.)) mais leur traduction complexe dans les paysages est en partie effacée aujourd’hui.
Les deux photos précédentes illustrent notre difficulté à appréhender aujourd’hui certains paysages de la Vienne. L’alternance de brandes(Les brandes désignent une lande à bruyère à balais où se mêlent plusieurs espèces de bruyères, des ajoncs, des genêts, des fougères et des graminées. Il s'agit d'une lande de déforestation, qui se développe sur des sols pauvres.), cultures et forêts organisait finement l’espace en relation avec les variations des conditions du milieu, en particulier des formations géologiques superficielles. L’amendement des sols a ensuite permis l’accroissement des terres mises en culture aux dépens des brandes(Les brandes désignent une lande à bruyère à balais où se mêlent plusieurs espèces de bruyères, des ajoncs, des genêts, des fougères et des graminées. Il s'agit d'une lande de déforestation, qui se développe sur des sols pauvres.), mais a fait perdre la lisibilité précédente.
Des formes différentes pour les grandes et les petites vallées
Le département est structuré par quelques grandes vallées s’écoulant vers le nord : Creuse, Gartempe, Vienne, Clain, Dive (auxquelles il faudrait ajouter le Thouet qui s’écoule dans les Deux-Sèvres mais à proximité, et qui reçoit les affluents venant du Mirebalais et du Loudunais). Toutes présentent un profil de vallée similaire, étroit et encaissé en amont, s’élargissant progressivement en plaine alluviale vers le nord.
Le réseau secondaire formé par les affluents de ces grandes rivières présente rarement de fond alluvial étendu mais au contraire des vallées assez étroites.
Trois types de réseaux hydrographiques
D’autre part, le réseau secondaire présente des densités et des organisations contrastées :
- Les marges du Massif central où se prolonge le chevelu hydrographique caractéristique des sols cristallins imperméables ;
- Le réseau hiérarchisé des plateaux jurassiques comprenant d’importantes parties de vallées sèches. Contrairement aux rivières principales, les affluents présentent le plus souvent un écoulement est-ouest souvent influencé par les accidents tectoniques. Mis en place tardivement (fin du Quaternaire), ce réseau dessine des vallées souvent étroites et peu couvertes d’alluvions ;
- Le tiers nord du département formant une plaine très ramifiée, au fond de laquelle les cours d’eau s’écoulent sans relief. Le réseau naturel se mélange à de nombreux fossés ou canaux de drainage.
Comme la plupart des affluents des rivières principales, les deux vallées sont perpendiculaires au Clain qu’elles rejoignent vers Chasseneuil : 1/ au sud de Montamisé, vallée de la Bonde (suivant les vallées sèches de Charassé, de Bel Air, des Prés des joncs) et 2/ entre Bignoux et Buxerolles, vallée sèche (changeant au moins sept fois de nom). Dans les deux cas elles ont formé une succession de méandres très prononcés.
Climat, sols et végétation : la chênaie atlantique
Un climat océanique atténué homogène
La Vienne a un climat assez homogène qui appartient au domaine océanique atténué. Vers l’est, un gradient de continentalité fait baisser d’environ 1 degré les températures hivernales par rapport à l’ouest, celles d’été étant peu différentes. Le nombre de jours de gel, compris entre 40 et 60 par an traduit également l’éloignement des influences océaniques. En ce qui concerne les précipitations, assez constantes avec une sécheresse estivale qui peut être marquée certaines années, elles s’accroissent légèrement du nord (650 mm à Loudun) vers le sud et l’ouest (850 mm), le maximum étant à l’approche de la Gâtine, vers Sanxay.
Les sols, synthèse des conditions du milieu
Reflétant la diversité des formations géologiques de surface, les sols du département sont très variés. Et bien que leurs différences aient été en partie gommées par les traitements agronomiques, le drainage et l’irrigation, bon nombre d’appellations locales, qui correspondaient autrefois à des pratiques et à des paysages différents, sont restées et continuent d’être utilisées aujourd’hui. (Voir également le chapitre consacré aux représentations).
Les principales appellations sont les suivantes : groies(Sols limono-argileux calcaires sur calcaires durs Jurassiques plus ou moins décalcifiés, souvent caillouteux. Largement répandu dans le département sauf dans Montmorillonnais), champagnes et aubues(Sol limono-argileux calcaire sur craie ou argile calcaire. Surtout présent en Loudunais et Châtelleraudais) qui caractérisent les roches calcaires ; terres de brandes(Les brandes désignent une lande à bruyère à balais où se mêlent plusieurs espèces de bruyères, des ajoncs, des genêts, des fougères et des graminées. Il s'agit d'une lande de déforestation, qui se développe sur des sols pauvres.), terres fortes, terres rouges à châtaigniers et bornais(Sols limoneux (parfois argileux : bornais lourd ; ou sableux : bornais léger) souvent hydromorphes, sur dépôts tertiaires ou quaternaires) qui se déclinent en fonction des dépôts tertiaires et quaternaires recouvrant les plateaux. Les varennes désignent les sols sur sables verts du Loudunais. Les sols des bords hercyniens sont moins identifiés par des noms particuliers. Pour en savoir plus lire "Les noms des sols de la Vienne".
La végétation potentielle
La végétation potentielle, celle qui serait si seules les conditions naturelles agissaient, traduit les conditions édaphiques(relatif au sol) et climatiques.
A part la série du chêne pubescent, les principales formations sont des chênaies typiques du centre ou du nord de la France (chênaie atlantique).
Cependant, les formations plus septentrionales ou adaptées à l’altitude notamment les hêtraies (en bleu sur la carte) sont absentes.
Conclusion : un pays en nuances fragiles
L’analyse des constituants physiques des paysages de la Vienne révèle une composition assez complexe où de grands éléments structurants sont complétés par de nombreuses variations locales. Jusqu’à la révolution industrielle et agraire, les paysages se sont structurés en relation avec ces conditions naturelles complexes, mais ensuite et surtout, les grandes transformations du XXe siècle ont largement gommé les différences locales. Le paysage d’aujourd’hui garde en partie les traces des formes qu’il présentait autrefois, mais la tendance à l’uniformisation des espaces agricoles, l’effacement qui résulte des surfaces urbanisées et des infrastructures ont atténué les relations entre paysages et éléments naturels, rendant plus difficile leur compréhension.