Paysages urbains des Terres Rouges Bocagères

Si le plateau des Terres Rouges Bocagères est jalonné de fermes, de hameaux et de villages de taille modeste, ce sont dans les vallées ou en bordure de ces vallées que se sont implantés les bourgs les plus développés.

    Si le plateau des Terres Rouges Bocagères est jalonné de fermes, de hameaux et de villages de taille modeste, exception faite de Rouillé et St-Sauvant, ce sont dans les vallées ou en bordure de ces vallées que se sont implantés les bourgs les plus développés. Dans l’ensemble, l’unité recèle des paysages bâtis de qualité, avec des formes urbaines anciennes, un patrimoine monumental, des ensembles de façades intéressants et des espaces publics agréables. Les élévations traditionnelles comprennent deux à trois niveaux, selon les villes et leurs quartiers, ce qui confère un caractère urbain à ces paysages bâtis. A l’inverse, les quartiers d’extension récents, sous influence de l’agglomération de Poitiers sont le plus souvent constitués de maisons de plain-pied sans étage.

    Des jeux de pente

    L’implantation en vallée apporte une diversité de situations liées à la topographie, et tout compte fait, dans cette unité des Terres Rouges aux faibles altitudes, on découvre des villages sur versants et des rues en pente. C’est le cas par exemple à Latillé, en rive sud de l’Auxance, également à Charroux, où la vallée présente un profil en V. Le bourg s’est établi sur les deux versants de la vallée du Merdançon, affluent de la Charente, ce qui permet de découvrir chaque quartier en vis-à-vis, d’un côté à l’autre. Dans les vallées encaissées, en vue lointaine, la différence d’altitude entre le plateau et la rivière suffit à masquer l’ensemble bâti, dont souvent, seul le clocher de l’église émerge. Il y a aussi les implantations en bordure de vallée ou en rebord de versant, comme c’est le cas à Lusignan, dans la vallée sinueuse et encaissée de la Vonne.  Dans ce cas, la ville ancienne domine la rivière et ses faubourgs.

    Habiter au bord de la rivière

    Si la topographie de la vallée influe sur le paysage bâti, la relation à la rivière intervient également dans la variété des paysages. Les déclinaisons sont nombreuses qui diffèrent selon la proximité du bâti par rapport au cours d’eau et son implantation. On rencontre des quartiers établis directement en rive avec l’étage d’habitation réservé au niveau supérieur. Cette implantation confisque les vues sur la rivière, par contre, elle compose des façades pittoresques au bord de l’eau que l’on découvre en franchissant les ponts. Dans d’autres situations, le bâti s’est établi à distance, laissant s’épancher la rivière et réservant les premières parcelles à des jardins, comme à Sanxay ou Jazeneuil. Cette disposition compose de belles silhouettes villageoises qui se découvrent en franchissant la rivière. D’une façon générale, les bords de rivière accueillent en sortie de ville ou de village, des espaces de promenade ou de détente, ou bien des jardins maraichers.

    Les tilleuls à l’honneur

    Comme dans d’autres unités, le tilleul est très présent dans les Terres Rouges Bocagères. Il se rencontre en alignement, en isolé, en mail, en port libre ou en taille architecturée. La promenade de Blossac de Lusignan est ainsi bordée par plusieurs rangées de tilleuls conduits en palissade qui cadrent la perspective. Cette présence du tilleul, essence traditionnelle et intemporelle participe à la qualité des espaces publics qu’elle ombrage efficacement et orne discrètement.

    Un riche patrimoine bâti

    L’unité comprend un riche patrimoine constitué d’une part de monuments exceptionnels comme l’octogone de Charroux, l’église St-Nicolas de Civray, l’enceinte fortifiée de Lusignan, le donjon de Montreuil-Bonnin et d’autre part d’un bâti ancien plus modeste mais de grande qualité , tant religieux que civique que l’on découvre au long des rues. S’il est difficile de connaître l’âge d’un immeuble, néanmoins certains éléments en façade témoignent d’une construction ancienne comme les fenêtres à meneaux, qui datent du XVIème siècle, ou bien des décors de sculpture au-dessus des portes que l’on retrouve à Civray ou à Lusignan.

    Charroux, une abbaye disparue

    Constitué à l’origine de deux bourgs, le Bourg-le-Comte et le Bourg-l’Abbé, Charroux s’est d’abord rassemblée sous la protection d’une enceinte commune dont il reste encore des vestiges puis s’est développée sur les deux versants. Au cœur du Bourg-l’Abbé, fondée au VIIIème siècle, l’abbaye St-Sauveur était un grand sanctuaire de pèlerinage organisé autour de reliques précieuses, « le vrai bois de la Croix ». L’église avait été reconstruite au XIème siècle de manière originale, avec un plan en croix associé à une rotonde centrale conçue pour ce culte des reliques et l’accueil de plusieurs centaines de personnes. Les guerres de religion engageront le déclin de l’abbaye qui sera vendue comme bien national à la révolution et servira de carrière. C’est le noyau central de cette rotonde qui perdure aujourd’hui, émergeant au-dessus des toits, insolite construction octogonale, dite la tour lanterne. Mais le bourg n’est pas qu’une abbaye en partie détruite, c’est un ensemble urbain dense qui a conservé une partie de son enceinte, des maisons anciennes et des quartiers nouveaux. La place centrale est occupée par une vaste halle dallée en pierre.

    Lusignan, un château démonté

    Tout comme à Charroux, la forme urbaine de Lusignan est liée à un monument disparu, l’ancien château dont subsiste la plate-forme, aujourd’hui occupée par la promenade de Blossac, grand mail de tilleuls. La ville s’est implantée sur un relief étroit dominant la Vonne côté ouest, un affluent côté est, le château occupant l’extrémité nord. De ce fait, elle présente une forme urbaine très étirée. La ville ancienne est dense, contrainte par la topographie, desservie par une rue principale qui relie la porte de la ville, porte fortifiée défendue par un fossé, à l’extrémité de l’éperon rocheux. Elle a conservé un patrimoine remarquable, dont l’église romane Notre-Dame, la halle, et différents immeubles anciens, comme l’imposante façade à pans de bois en face de l’église ou la maison du Gouverneur. Echappant à la contrainte topographique de l’éperon, la ville moderne s’est étendue sur le plateau au sud-ouest, également en contrebas de la plate-forme du château, avec des faubourgs anciens et des quartiers plus récents. Aujourd’hui la végétation des versants et la ripisylve masque l’encaissement de la vallée, gommant les qualités du site.

    Les ouvrages d’art

    Vallées et rivières doivent être franchies. Les ouvrages d’art sont nombreux, évoluant au cours de siècles en fonction des techniques de construction et des contraintes générées par les modes de transport, autoroute, voie ferrée, route nationale, secondaire ou voie communale. Ils varient également en fonction des rivières et de leur régime de crue. Ce sont des éléments importants dans le paysage parce qu’ils donnent à découvrir les cours d’eau et offrent souvent des points de vue privilégiés sur les ensembles bâtis. Certains, par leur qualité architecturale ou leur emplacement, constituent en eux-mêmes des scènes de paysage, comme le pont de Sanxay qui se développe sur 60 m de long, enjambant le lit de la Vonne au moyen de 7 arches, ou bien le viaduc de la voie ferrée de Lusignan, qui circule à 33 m au-dessus de l’eau et donne à lire l’encaissement de la vallée. Aujourd’hui, la multiplication des voies de circulation et des points de franchissement semble négliger la dimension architecturale des ouvrages d’art.