Les sites et monuments naturels protégés

    Rédaction : Alain DE NAYER, Inspecteur des sites de la Vienne, DREAL Nouvelle-Aquitaine

    Révélé par la peinture, le paysage a été médiatisé par la littérature. Les récits de voyage des écrivains se diffusent à l’époque de la révolution offrant à tous de multiples images des paysages français et d’ailleurs qui donnent ainsi l’envie de les découvrir.

    Dans le sillage des romantiques, de nombreux artistes, hommes de lettres et membres de sociétés savantes s’alarment de la transformation radicale engagée par la révolution industrielle du XIXe siècle et ses irrémédiables dégâts. Ils se mobilisent donc afin que le législateur s’engage pour la sauvegarde, la protection et la transmission aux générations futures des monuments historiques et naturels les plus remarquables.

    La protection des monuments historiques et naturels remarquables

    S’il ne fallait retenir qu’une seule phase pour caractériser la politique de protection du patrimoine, c’est celle écrite par Victor Hugo dans la revue des Deux mondes en 1832 :

    … il y a deux choses s’agissant du patrimoine, son usage et sa beauté. Son usage appartient à son propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous, c’est donc dépasser son droit que de les détruire... »

    Dès 1834 sous l’impulsion de Prosper Mérimée un inventaire des richesses historiques de France est engagé. Il faudra cependant attendre 1887 pour qu’une loi sur la protection des monuments historiques soit enfin votée. Le début du XXe siècle voit le législateur s’engager sur les notions de paysage et de cadre de vie avec en 1902 une loi sur l’affichage public et en 1906 une loi organisant la protection des monuments naturels. Bien que les cascades de Gimel soit le premier site naturel bénéficiant d’une protection en 1898, en tant que « monument naturel » valant bien un « monument historique » c’est l’île de Bréhat qui fût le premier site protégé avec cette loi dès 1907.

    Puis s’inspirant de la réglementation pour la protection des monuments historiques de 1913, la loi du 2 mai 1930 clarifie l’application de la loi initiale de 1906 et la complète en élargissant les critères de protection. Elle vise alors à préserver des lieux dont le caractère exceptionnel justifie une protection de niveau national, et dont la conservation ou la préservation présente un intérêt général au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque. Elle instaure ainsi deux niveaux de protection, les sites inscrits et les sites classés :

    • Les sites inscrits sont des sites présentant suffisamment d’intérêt pour être surveillés de très près sans qu’il ne soit nécessaire de recourir au classement.
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    • Les sites classés sont les sites parmi les plus remarquables. Leur caractère, notamment paysager, doit être rigoureusement préservé.
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    De nombreux sites sont ainsi inscrits ou classés principalement des arbres, des sources, des grottes, des rochers, des falaises, des îles, quelques parcs, etc. Cependant les 30 glorieuses ont mis de côté cette réglementation afin de reconstruire la France de l’après-guerre et le même constat qu’au XIXe est alors fait. En 1978, sous l’impulsion de Michel d’Ornano alors ministre de l’Environnement et du cadre de vie, la protection des sites et des monuments naturels reprend tout son sens et 80 inspecteurs des sites sont ainsi missionnés dans ce cadre. Les sites qui seront alors protégés seront plus vastes.

    Il faut attendre 2016 pour que cette loi fondatrice soit transcrite dans le Code de l’environnement aux articles L.341-1 et suivants.

     «  Les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect, sauf autorisation spéciale.  » article L.341-10

    Les sites sont des espaces dont la qualité appelle, au nom de l’intérêt général, la préservation et la conservation des caractéristiques qui ont motivé leur protection (entretien, restauration, mise en valeur…) et la préservation de toutes atteintes graves (destruction, altération, banalisation...).

    La gestion d’un site concilie projets d’avenir, activités traditionnelles et préservation du patrimoine par une politique de concertation avec les acteurs concernés dans le respect du lieu et de ses caractéristiques. Ce n’est pas une mise sous cloche pour autant mais le degré d’exigence des projets y est important. On peut faire chez soi ce que l’on veut mais à condition que cela s’intègre dans l’environnement général sans nuire à l’ensemble.

    Les sites constituent un patrimoine national protégé où est instituée une servitude d’utilité publique entraînant le contrôle de tous travaux susceptibles de modifier l’état ou l’aspect du site de façon temporaire ou permanente par une autorisation spéciale de l’État.

    Cette mission est assurée par les Inspecteurs des Sites, en étroite collaboration avec l’Architecte des Bâtiments de France. Ils sont en charge de la protection des 2700 sites classés et 4500 sites inscrits du territoire national, soit environ 4% de sa surface. La Région Nouvelle-Aquitaine présente elle, environ 290 sites classés et 750 sites inscrits.

    Les sites protégés dans la Vienne

    La Vienne compte aujourd’hui 22 sites classés et 41 sites inscrits (seulement 1,6 % de son territoire). Le département présente une topographie relativement peu élevée sans émergence majeure. Une des caractéristiques principales du territoire est ses vallées, pour certaines profondes, creusées dans des plateaux majoritairement calcaires, ou granitiques au sud-est. Ces paysages en creux sont souvent remarquables avec leurs rivières - Vienne, Gartempe, Anglin, Clain, Vonne et Boivre – et concentrent de très nombreux sites relativement vastes. Des espaces plus ponctuels comme des arbres, des grottes, des sources, des falaises ou des rochers complètent cette liste. Sans pour autant oublier les parcs liés à des monuments historiques comme à Dissay, Vivonne, Chauvigny, Lusignan ou Poitiers.
    Le premier site de la Vienne à avoir été classé est la Promenade de Blossac à Poitiers. Protégée dès 1912, celle-ci présente un jardin à la française du XVIIIe siècle implanté à l’intérieur des remparts du XIIe surplombant en belvédère une partie remarquable de la vallée du Clain. La structure de la promenade a traversé les siècles ce qui en fait un témoin privilégié de l’Histoire.

    Le paysage est aussi d’importance dans d’autres procédures de protection du patrimoine comme les Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR) ; Loudun, Mont-sur-Guesnes, Mirebeau, Châtellerault, Poitiers, Nouaillé-Maupertuis, Montmorillon, Charroux ou Saint-Savin-sur-Gartempe avec sa « Sixtine Romane » inscrite comme Biens au patrimoine mondial de l’UNESCO. À noter que le département est traversé par les chemins de St-Jacques de Compostelle inscrits aussi à l’UNESCO.

    Deux projets de classement sont en cours, conformément à la liste des sites majeurs pouvant être classées de l’Instruction du Gouvernement en date du 18 février 2019 : la vallée du Clain au sud de l’agglomération de Poitiers et l’ensemble de la vallée de la Gartempe.

     

    Aujourd’hui, les sites et les monuments naturels, ambassadeurs de notre cadre de vie, sont des éléments emblématiques enviés par de nombreux pays. Outre les sites remarquables, la Convention européenne du paysage, adoptée le 20 octobre 2000, à Florence, vise à mieux prendre en compte et protéger les paysages notamment ceux du quotidien relatifs à notre cadre de vie. Cette culture du paysage, passe par une information partagée pour tous. L’Atlas des paysages de la Vienne est un outil de connaissance pour le grand public mais aussi pour ceux qui interviennent sur le territoire ; agriculteurs, forestiers, jardiniers, paysagistes, architectes, ingénieurs, décideurs…