La Vienne des peintres

Les peintres, surtout locaux, ont privilégié le patrimoine bâti et conforté les représentations populaires des paysages ruraux

    Les paysages de la Vienne ont été représentés avant tout par des peintres locaux. Ces artistes ont été inspirés par le patrimoine architectural, les sites de Poitiers, Chauvigny ou Montmorillon, les vallées du Clain, de la Vienne ou de la Gartempe. Les paysages ruraux, moins présents, sont parfois évoqués pour leur propre pittoresque ou au détour de la représentation d’un village. En cela les représentations des paysages par les peintres qui ont contribué à fixer durablement leurs valeurs, diffèrent peu de celles des représentations populaires, qu’elles soient anciennes ou contemporaines.

    Lusignan : une des premières images de paysage est poitevine

    Les Très Riches Heures du duc de Berry, livre de prières commandé en 1411 par Jean de Valois, duc de Berry, est un monument de l’enluminure gothique du Moyen-Âge. S’ouvrant sur un calendrier, la forteresse de Lusignan et son paysage alentour y illustrent le mois de mars.
    Champs semés et labourés, parcelles de vignes clôturées, prairies où paissent des moutons sous la protection d’un château, comme un condensé éternel du paysage poitevin.

    À l’arrière-plan, l’imposante forteresse de Lusignan, résidence favorite du duc de Berry, domine depuis sa hauteur les cultures. En ce début de printemps, des paysans représentés au premier plan, travaillent, sèment, labourent, entretiennent la vigne dont les parcelles sont clôturées. Cette composition qui sert de règle à quasiment l’ensemble des illustrations du calendrier des Riches Heures donne une image de paysage idéalisée qui, depuis, a fortement imprégné nos imaginaires. Cette image est considérée par certains historiens de l’art et du paysage comme une des premières représentations de paysage.

    En premier lieu, Poitiers et la vallée du Clain

    Poitiers et la vallée du Clain sont des sujets prisés des peintres et des photographes. De l’immense vue panoramique du peintre poitevin François Nautré datant du début du XVIIe siècle aux multiples représentations de Notre-Dame la Grande de Poitiers, en passant par les images pittoresques de la vallée du Clain, les artistes ont fixé les valeurs paysagères du site de la capitale poitevine.

     

    Ce plan de Poitiers, remarquable par sa taille (190 cm de haut sur 365 de large), retrace le siège en 1569 de la ville catholique par les Huguenots (ils seront défaits) durant les guerres de religion qui ravagent le royaume de France depuis 1562 et auquel l’édit de Nantes met fin en 1598. La commémoration de l’événement fut l’occasion de la commande par les édiles locales de la plus ancienne peinture connue représentant la ville. Pour décrire l’épisode, François Nautré, peintre du cru, brosse en vue cavalière le portrait de la cité médiévale enserrée dans ses remparts et circonscrite par les vallées du Clain et de la Boivre. Il en détaille les rues, les monuments, les belligérants et leurs installations militaires installés dans le paysage alentour, théâtre de leur confrontation.

    Au début du XXe siècle, ce grand panorama de Poitiers est peint par Arthur Gué depuis le belvédère des Dunes situé en rive droite du Clain (aujourd’hui un belvédère aménagé à cet endroit en fait un point de vue privilégié sur la ville [1​​​​​​​]). Dans un large panorama, le peintre met au premier plan la rivière aux berges occupées de nombreux bâtiments d’activité. Puis, de l’autre côté de la rive, la blancheur éclatante de la pierre calcaire du chevet de l’église Sainte-Radegonde guide le regard vers l’horizon lointain des plateaux où l’on devine à droite des prémisses d’extensions urbaines.

    Le Clain est un des motifs de prédilection des peintres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Ici, le peintre s’attache à faire sentir, au sud de la ville, les ambiances de la vallée.

    Les rivières et leurs vallées

    D’une manière générale, les vallées concentrent pratiquement partout l’iconographie paysagère, le dégagement du relief permettant de rendre le paysage lisible, les villes anciennes y étant souvent implantées et leurs monuments s’y inscrivant avec suffisamment de pittoresque pour que les artistes s’y intéressent. Dans la Vienne, les vallées qui sillonnent le département sont ainsi les sujets principaux des œuvres des peintres et des photographes poitevins : Le Clain et Poitiers, la Vienne parfois peinte pour elle-même mais le plus souvent dans sa traversée de Châtellerault ou Chauvigny. Il en est de même pour l’Anglin et la Gartempe. Le patrimoine bâti y tient toujours une place importante.

    La rivière, miroir de la ville

    La rivière et l’ancien château des évêques de Poitiers à Chauvigny emplissent l’aquarelle pleine de lumière du peintre montmorillonnais Louis Carré. Dans un bel effet de miroir, la Vienne et la forteresse imposante sont mises mutuellement en valeur par le peintre.

    C’est une vue classique sinon banale de Montmorillon qu’a peint ici Raoul Carré depuis une des rives de la Gartempe. L’ambiance crépusculaire produite par les bleus et les violets, les reflets du bâti dans le miroir de la rivière, les arbres stylisés de la berge construisent un tableau attachant obligeant la sensibilité du spectateur au paysage urbain.
     

    La vallée, un motif aussi de nature

    C’est principalement dans certaines portions des vallées de la Vienne et de la Gartempe que les artistes du XIXe et du début du XXe siècle trouvent des vues où ils peuvent exprimer la nature (boisements, reliefs, rochers, eau…) Ces représentations, peu nombreuses, montrent néanmoins l’attachement des artistes à ces motifs et donnent à voir des paysages de la Vienne qui parfois restent ignorés.

    La Gartempe est représentée dans son aspect le plus sauvage. Les rochers, l’écoulement du cours d’eau, les arbres erratiques fixent le paysage de la vallée dans un indéniable pittoresque.

    Mise en scène ici par le peintre Robert Planès à la fin de sa vie, la Vienne est représentée dans un environnement naturel, arboré. Les coteaux au relief bien marqué en renforcent le pittoresque.

    Les paysages ruraux et le pittoresque des villages

    Les plateaux ou les plaines cultivées, ou les paysages «  ordinaires  » de campagnes sont quasi-absents des représentations dans la Vienne. Cependant, quelques images montrent ces paysages et en révèlent les qualités.

    Cette scène des alentours de Poitiers dépeint une campagne qu’illumine un arbre en fleurs et qu’anime le relief d’une vallée qu’on devine en arrière-plan. Le peintre révèle ici le pittoresque d’un paysage de campagne ordinaire.

    Cette vue du village d’Antigny sur la Gartempe montre l’harmonie et la douceur de la campagne montmorillonnaise telle qu’elle se présentait au début du XIXe siècle : à gauche du dessin, sur une petite hauteur, un village à la silhouette ramassée est signalé par le clocher de son église, à droite, des prés sur les premières terrasses de la Gartempe, et au premier plan, le croisement d’une route et d’un chemin marqué par une croix. Une image originale et rare de la campagne montmorillonnaise.

    [1] Voir : https://visitpoitiers.fr/activite/panorama-des-dunes/. Ce belvédère propose aussi une table d’orientation et un panneau explicatif et illustré de l’évolution de la ville.