Représentations culturelles des Vallées de la Creuse et de la Gartempe

Les vallées de la Creuse et de la Gartempe concentrent une grande partie des pépites patrimoniales de la Vienne, et avec elles, les représentations paysagères.

    Les sites de Montmorillon, Angles-sur-l’Anglin, Saint-Savin, La Roche-Posay… sont bien présents dans les représentations paysagères savantes et populaires de la Vienne. La richesse de leur patrimoine architectural et leur implantation dans les vallées ont motivé nombres d’images où le couple bâti-cours d’eau est régulièrement mis en valeur. Aux édifices castraux et religieux omniprésents dans les images s’ajoutent les ponts, les moulins, quelques bâtiments industriels, et à la Roche-Posay, les établissements thermaux. Mais hors les villes et les sites naturels pittoresques de la Gartempe et des falaises troglodytiques de la Creuse, les images se font plus discrètes.

    Les villes et leurs rivières 

    Surplombant l’Anglin, la forteresse et le village d’Angles

    C’est d’une terrasse, proche d’un calvaire et d’une petite chapelle romane élevée au Sud-Est du promontoire rocheux supportant le château, que l’on découvre la meilleure vue d’ensemble sur le site de la ville : au-delà d’une coupure de la falaise dite « tranchée des Anglais » se dressent les murailles et les tours du château ; au Nord, sur une autre butte, se détache le clocher roman de l’église haute. Au pied de l’escarpement, l’Anglin, rivière calme avec ses roseaux et ses nénuphars, serpente entre deux haies de peupliers. Un pont en pierre, près duquel tourne un ancien moulin donne accès au faubourg Sainte-Croix où s’élève l’ancienne église abbatiale précédée d’un beau portail du XIIIe siècle. 
     

    Poitou, Vendée, Charentes, (Le guide vert), Michelin, 1986

     

    L’image aérienne oblique datée de la fin des années 1950 est centrée sur les ruines de la forteresse et le village ancien. Elle donne à voir le site dans lequel elle prend place : un territoire où les bois sont bien présents et où apparaissent le long de l’Anglin quelques larges terrasses cultivées.

    Le château dominant la rivière

    Les qualités patrimoniales et paysagères de la vallée à Angles-sur-l’Anglin sont amplement reconnues par les institutions et le tourisme : le site est classé depuis 1998 et le village est membre de l’association « Les plus beaux village de France ». Les images les plus diffusées privilégient le pittoresque des ruines de la forteresse du XIe siècle qui domine la vallée. Mais la présence à proximité de la grotte ornée magdalénienne du Roc-aux-Sorciers «  la plus belle frise sculptée au monde » apporte encore au site une profondeur historique et un imaginaire sans égal.

     […]  les extraordinaires sculptures du Roc-aux-Sorciers, à Angles-sur-l’Anglin, restent largement ignorées du grand public, même si tous les préhistoriens les connaissent. C’est l’ensemble monumental de sculptures le plus important et le mieux conservé qui ait jamais été découvert dans le monde pour le Paléolithique. »
     

    Jean Clottes, Jean Airvault, L’art préhistorique en Poitou-Charentes, La maison des roches, 2003

    La vue, depuis les rives de l’Anglin, sur le château médiéval dont la silhouette se découpe dans le ciel est devenue, depuis au moins le XIXe siècle, le motif principal des représentations du village et de la vallée. C’est ce qu’illustrent ces deux images. À gauche, l’estampe donne avec force détails (la raideur de la falaise, le pont, le moulin derrière lui, les activités des habitants liées à la rivière) une vision à la fois documentaire et romantique du site. À droite, dans un cadrage quasi-identique, le peintre Raoul Etève établi à Montmorillon au milieu du XXe siècle, compose une représentation paysagère classique où la végétation, en masquant en partie la falaise, adoucit la rugosité du paysage.

    Le moulin animant la rivière

    Comme sur la Gartempe, les moulins installés sur les rives de l’Anglin sont l’objet d’une attention constante des peintres et des photographes, et ceci jusqu’à nos jours où ils sont considérés comme un patrimoine à sauvegarder et valoriser, témoin aussi de la vocation industrieuse de la vallée.

    Le moulin, le barrage, la rivière et ses coteaux boisés composent ensemble une scène paysagère de qualité que rien ne vient troubler.    

    La rue du village médiéval

    Les rues du village médiéval font partie des motifs pittoresques d’Angles-sur-l’Anglin hier comme aujourd’hui.

     

    Remarquablement composée par le photographe, cette vue sur une rue d’Angles-sur-l’Anglin montre notamment le parfait agencement des maisons les unes par rapport aux autres et l’unité créée par les toitures de tuiles plates. La sensation d’harmonie et de poésie de cette image est renforcée par la courbe délicate du dessin de la rue qui guide le regard vers un lieu inconnu et caché.   

    Sur la Gartempe, Montmorillon, cité artistique

    Les nombreux artistes qui ont habité et dépeint la ville et ses environs, les activités et animations en lien avec la « Cité de l’écrit et des métiers du livre » et le « Pays d’art et d’histoire Vienne et Gartempe  » concourent à donner une très bonne visibilité patrimoniale et artistique à Montmorillon et à la partie de la vallée de la Gartempe qu’elle investit. La représentation et l’imaginaire des paysages passent donc ici par des canaux nombreux et variés : images touristiques, balades thématiques organisées et commentées, peintures de paysages exposées dans le musée ou les boutiques, travail d’associations autour de la carte postale ancienne…

    La ville, la rivière et le pont

    La figure de l’église érigée au-dessus de la Gartempe traversée par le pont de pierre est emblématique du site de Montmorillon.

    […] J’imagine ton grand miroir

    Tranquille sous les frais ombrages

    Bondissant aux rochers sauvages

    Sereine tu reviens nous voir

    T’embellissant des coloris

    De nos toits roses et murs fleuris

    Que tu te plais à refléter

    Pour amplifier la beauté

    Comment peut-on imaginer

    Notre ville sans Gartempe

    Qui coule le long de la cité

    Tes effets de magnificence.
     

    Extrait d’un texte de Marcel Prouteau, peintre, poète (1907-2007)

     

    Les eaux de la Gartempe venant lécher les fondations des maisons de la rive droite de la rivière, le volume élancé de l’église qui domine depuis les hauteurs du coteau escarpé : une composition récurrente et prépondérante pour rendre compte du site de Montmorillon. On retrouve ce cadrage dans de nombreuses toiles des artistes locaux exposés notamment dans le musée de la ville.

     

    Embrassant plus largement la vallée, le pastel du peintre Pierre-Gaston Rigaud donne une image plus originale et dynamique du site de Montmorillon. Depuis l’église, le regard d’abord porte sur le ruban bleu de la Gartempe puis, sur les maisons installées sur sa rive gauche, puis encore, au loin, vers les couleurs chaudes du plateau cultivé aux douces formes ondulées.

     

    Sur cette image aérienne à visée documentaire et pédagogique, le cours de la Gartempe est mis en valeur à la fois par le cadrage et les constructions qui se sont développées en ruban le long de ses rives surplombées par l’église.  La vallée que l’image fait apparaître peu marquée s’étire vers le nord dans un paysage de champs ouverts et parties plus boisées.

    Saint-Savin, un site du patrimoine mondial au bord de la Gartempe

    Saint-Savin est une autre des pépites patrimoniales de la Vienne. Son abbatiale romane qui renferme un ensemble de peintures murales du XIe et XIIe siècles d’une exceptionnelle richesse artistique et historique a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1987. Dans ce contexte, les reproductions du chef-d’œuvre d’imagerie médiéval tendent à écraser les représentations. Mais la figure de l’abbaye imposant son volume le long des quais de la Gartempe tient une bonne place dans l’imagerie paysagère de cette partie de la vallée.

    Le pont de pierre sur la Gartempe et l’église abbatiale dont la flèche s’élance vers le ciel sont les sujets principaux de ce dessin du XIXe siècle. La présence de lavandières, d’une barque et de nombreux arbres, peupliers et saules, adoucit et humanise le volume imposant de l’abbaye.

     

    Cette belle image aérienne de Saint-Savin documente l’emprise monumentale de l’ensemble abbatial, l’agencement compact de la ville autour et, à l’arrière-plan, le paysage agricole de champs ouverts du plateau environnant. La Gartempe et sa vallée sont ici imperceptibles.

     

    Sur la Creuse, La Roche-Posay, ville thermale dans la campagne

    La reconnaissance de la vallée de la Creuse à La Roche-Posay repose beaucoup, depuis la fin du XIXe siècle, sur l’activité thermale de la ville. Aujourd’hui encore, le premier onglet qui apparait sur le site de l’office de tourisme est consacré à la cure. Mais le paysage de la vallée dans la traversée de la ville et à ses proches alentours reste néanmoins bien présent notamment dans le corpus des images et cartes postales anciennes.

    Cette représentation panoramique du XVIIe siècle montre la ville dans son site en donnant une grande importance aux différents monuments, et à la Creuse mise en valeur au premier plan.

     

    Ces deux images documentent le paysage de La-Roche-Posay tel qu’il se présentait dans son environnement paysager urbain et agricole dans la deuxième partie du XXe siècle. À gauche, vue depuis les hauteurs, les toits aux pentes et aux tuiles plates de ville ancienne se développent, au premier plan, au-dessus du ruban de lumière de la Creuse. Son cours bordé de peupliers s’étire ensuite dans un paysage agricole de champs ouverts très doucement ondulé.

    À droite, l’image aérienne prend du champ et de la hauteur pour donner une représentation plus cartographique de la vallée et de son environnement agricole partagé ici entre champs ouverts et parcelles boisées.  

     

    Cette photo contemporaine est intéressante dans la mesure où, malgré la frontière physique de la Creuse, elle montre la grande proximité géographique et économique de la ville avec l’agriculture et les grandes cultures, identifiées ici par le grand aplat jaune du champ de colza.  Cette image à vocation touristique suggère à la fois une valeur paysagère à ce paysage agricole et l’interdépendance économique entre la ville et la campagne alentour. 

    Hors les villes

    Des moulins

    Les moulins sont nombreux dans les représentations notamment dans la vallée de la Gartempe. Les cartes postales anciennes et aujourd’hui des études en sciences sociales s’attachent à ce patrimoine architectural et industriel des vallées, parfois disparu.

     

    Datée du début du XXe siècle, la carte postale, par la qualité de sa composition, rend bien compte des qualités pittoresques de ce moulin au bord de la Gartempe, aujourd’hui disparu.  Ce que confirme la toile, à gauche, du peintre Léon Pouteau.

     

     

    Ici, c’est le pont sur la Gartempe qui est en exergue par la légende, mais c’est bien le moulin, à gauche, qui donne son intérêt à l’image.

     

    Ces deux images témoignent de la production de connaissances qui émanent de ces deux institutions liées au territoire de la vallée de la Gartempe. Elles prouvent l’importance des moulins dans la mémoire économique et sociale de la vallée et l’intérêt qui leur est aujourd’hui porté.

    Curiosités naturelles ou presque

    Sur la Gartempe, Le Roc d’Enfer

    Le Roc d’Enfer, chaos granitique de la haute vallée de la Gartempe, est l’une des curiosités naturelles les plus médiatisées de la Vienne. Pourtant peu représentative des paysages viennois, elle fait ainsi la couverture de « La Vienne à parcourir », ouvrage consacré, au travers de ses richesses patrimoniales, naturelles et paysagères, au département et aux circuits de randonnée permettant de les découvrir. Les images anciennes sont prolixes également à montrer la Gartempe dans ce parcours tumultueux.

     

    Ces deux photographies du Roc d’Enfer sur la Gartempe ont été prises sans doute avec plus d’un siècle d’écart mais célèbrent toutes deux le pittoresque du site

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    Cette image contemporaine diffusée par l’Office de tourisme de Sud-Vienne conjugue l’attrait du pittoresque des chaos de la Gartempe et celui des activités sportives qui peuvent motiver leur découverte : ici le kayak ou, sur d’autres images, l’escalade ou la randonnée.  

    Les habitats troglodytiques

    Les habitats troglodytiques des falaises calcaires de la vallée de la Creuse et de la Gartempe sont une autre des curiosités de l’unité de paysage représentées avec constance. Cartes postales et images contemporaines sont friandes de ce motif.

     

    Les habitats troglodytiques créent des sites pittoresques amplement représentés par les photographes de cartes postales hier et les illustrateurs des sites internet de tourisme aujourd’hui.

    Ambiances de cours d’eau et de campagne « ordinaires »

    La Creuse et la Gartempe sont parfois aussi représentées pour leurs ambiances « naturelles », en dehors des villes qu’elles traversent et sans s’attacher obligatoirement à un élément bâti. Ce genre de représentations, moins diffusé que celui lié au patrimoine architectural ou urbain, est cependant présent dans le corpus des images des deux vallées.  

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’office du tourisme met par cette photo en valeur le sentier de promenade qui longe la Creuse près de La-Roche-Posay. Des ambiances peu caractérisées mais qui offrent un autre regard et une autre approche des paysages de la vallée.