Les enjeux paysagers liés à l'urbanisme

    Les villages et les villes de la Vienne se sont constitués au cours des siècles, laissant un riche héritage patrimonial bâti et urbain : bourgs de vallée, abbayes, châteaux aux silhouettes épiques, centres anciens denses… Les implantations des villes, bourgs et villages ont valorisé les atouts des sites privilégiés : site défensif, versant ensoleillé, bord de rivière, sommet de butte ou plateau agricole…

    Ces dernières décennies les extensions urbaines se sont surtout faites avec des maisons et des lotissements en périphérie des centres anciens ou étirés le long des routes. La silhouette des villages a souvent été brouillée. L’entrée de ville se fait à travers un tissu commercial et artisanal qui donne une première image de la ville, parfois peu harmonieuse. La maitrise des développements urbains et la valorisation du patrimoine bâti et des espaces publics sont des enjeux paysagers importants.

    Maitriser le développement urbain et dynamiser les centres bourgs

    Autour des pôles urbains majeurs et le long des grands axes de communication se sont agrégés des développements urbains importants, qu’ils soient résidentiels ou d’activités. Le phénomène s’observe également, dans des proportions moindres, autour des villages et des bourgs. Cette progression urbaine s’est effectuée par couronnes successives, par saut d’urbanisation parcelle par parcelle, ou encore de façon linéaire le long des axes. Il en résulte des opérations tournées sur elles-mêmes, sur des parcelles n’ayant comme issue que la route. Ces développements périphériques vont de pair avec des centres anciens où l’habitat est en partie délaissé, voire parfois vacant.

    Il serait donc intéressant d’améliorer les opérations existantes dans un souci de recomposition urbaine : maillage viaire doux, implantation d’espaces publics structurants et d’équipements, connexion de différents secteurs entre eux… La réflexion doit également porter sur la dynamisation des centres-bourgs, en restaurant et en redonnant vie aux habitations anciennes ou aux commerces délaissés, plutôt que de systématiquement construire en périphérie du bourg. Pour l’avenir il est important d’affirmer des limites urbaines, d’instaurer des transitions pour composer les périphéries.  L’élaboration d’un projet urbain et paysager le plus en amont possible est souhaitable. Ces enjeux doivent être envisagés à une échelle intercommunale et s’inscrire dans les documents d’urbanisme tels que les Scot et les PLUi.

    Pistes d’actions envisageables :

    • Prôner un développement durable et économe de l’espace dans les documents d’urbanisme. Adapter le développement du bourg à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols. Proscrire l’urbanisation linéaire et le mitage.
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    • Définir un projet urbain à long terme. Anticiper les futurs secteurs d’expansion urbaine. Acquérir des réserves foncières pour amorcer la densification dans des lieux stratégiques : proximité d’un centre, d’un équipement public, de commerces, desserte transport en commun... 
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    • Donner aux espaces agricoles une reconnaissance et une protection forte leur permettant de rivaliser avec la pression foncière urbaine. Eviter la fragmentation des espaces agricoles.
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    • Se développer autrement que par l’étalement urbain. Travailler sur la densité et le renouvellement urbain et maitriser les formes urbaines. Envisager d’autres formes d’urbanisation que le lotissement au profit de quartiers reliés avec le centre bourg. Favoriser l’alignement des façades et la mitoyenneté qui font le charme des centre-bourgs denses.
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    • Dynamiser les centres bourgs pour inciter la restauration des habitations. Faire évoluer le bâti ancien en centre bourg pour mieux correspondre à la demande actuelle (restructuration d’îlots). 
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    • Instaurer une diversité et une mixité d’usages et de fonctions. Maintenir dans le centre du bourg des activités, des commerces, des écoles, des crèches, des maisons d’accueil pour personnes âgées ou encore des locaux associatifs. Dynamiser le centre bourg par des équipements publics plutôt que de les délocaliser à l’extérieur du bourg.
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    • Requalifier les extensions urbaines en faisant appel à l’urbanisme végétal en lien avec le réchauffement climatique. Prévoir des espaces publics structurants ou de liaisons. Prévoir dans toute extension urbaine des espaces publics structurants en lien avec le centre bourg.
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    • Affirmer les entrées, requalifier les voies d’accès, les pénétrantes, les boulevards.
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    • Composer la périphérie et la transition ville-campagne. Soigner les périphéries des villages : plantations, chemin de tour de village, abords du cimetière. Conserver des coupures d’urbanisation pour garder des respirations.
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    • Préserver la silhouette groupée des villages et des bourgs. Etre vigilant sur l’emplacement, les volumes et les couleurs des nouvelles habitations.
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    • Veiller à l’impact paysager des bâtiments d’activités en périphérie. Requalifier les abords des zones d’activités situées le long des axes et des entrées de villes. Maitriser la qualité architecturale des bâtiments d’activités : volume, implantation, couleur…
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    Valoriser les implantations urbaines historiques et le patrimoine bâti

    Dans le département de la Vienne, les villages et les bourgs présentent des atouts géographiques et historiques qui font leur particularité. L’urbanisation a ainsi composé avec le relief (crête, versant, pied de coteau, butte, éperon…), la présence de l’eau (bord de rivière, tête de vallon, pont), l’étendue d’un plateau, le passage d’un axe de communication… Il y a bien sûr des situations plus pittoresques que d’autres, mais chaque implantation, à bien y regarder, comporte des particularités à prendre en compte. Les villages et les bourgs denses, aux constructions alignées sur la rue, et leurs espaces publics, caractérisent ce département. Le maintien de l’harmonie avec le site, et de ces ossatures urbaines, constitue un enjeu important. Quelques constructions mal positionnées suffisent à banaliser ou brouiller la qualité d’origine. Cela mérite une attention particulière lors du positionnement des futurs développements. La hiérarchie des masses bâties, le maintien de la silhouette groupée du village, les liaisons avec l’existant… sont autant de points de vigilance garants d’une qualité paysagère.

    Le département possède un patrimoine bâti conséquent qui constitue un de ses attraits. La pierre calcaire et le tuffeau(Craie poreuse à grain fin. Le terme peut désigner la roche, la pierre de construction, parfois le sol), mais aussi le granite dans le sud du département, s’illustrent de multiples façons. On peut citer par exemple les châteaux et leur parc, les églises et les abbayes, les moulins, les enceintes fortifiées, les donjons, les troglodytes, les halles, les ponts, les anciennes usines... Le petit patrimoine ne doit pas être oublié, avec les fontaines, les lavoirs ou encore les calvaires. Au-delà de ces bâtis bien identifiables, on observe de nombreux ensembles urbains, qui ne sont pas d’architecture savante, mais qui ont conservé des caractéristiques morphologiques et urbaines remarquables. Toutes ces composantes patrimoniales méritent d’être reconnues, inventoriées pour les préserver et les valoriser, en particulier pour celles qui ne sont pas protégées.

    Pistes d’actions envisageables :

    • Mettre en valeur les sites d’implantation des villages et des bourgs. Révéler les particularités du site (crête, versant, fond de vallée, butte). Valoriser les éléments singuliers qui donnent au bourg son côté unique : belvédère, place centrale, bord de rivière…
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    • Respecter l’échelle du village et sa silhouette dans son développement. Préserver la silhouette groupée des villages et des bourgs. Harmoniser le développement en fonction du relief. Maitriser les développements urbains des villages sur les versants qui peuvent être particulièrement visibles.
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    • Respecter la hiérarchie des masses bâties. Eviter les juxtapositions ou les vis à vis malencontreux pour les constructions ou les zones de développement. Etre vigilant sur l’emplacement, les volumes et les couleurs des nouvelles constructions. Veiller à l’impact paysager des bâtiments agricoles en périphérie. Eviter l’accolement ou la proximité d’architectures banalisantes. Réfléchir à l’implantation et à l’architecture des nouveaux bâtiments en covisibilité.
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    • Renforcer le centre bourg plutôt que d’éparpiller des constructions dans les hameaux ou le long des routes. Composer les extensions avec le centre ancien. Dynamiser les centres des villages pour inciter à la restauration des habitations. Dans les bourgs, réhabiliter et transformer le bâti ancien mitoyen pour répondre aux usages actuels (regroupement de maisons, création de jardin ou de garage, recomposition du bâtiment derrière une façade préservée, restructuration d’îlots…).
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    • Prendre en compte la dimension « urbaine » du patrimoine dans les documents de planification, pas seulement l’architecture. C’est aussi la composition d’ensemble, qui fait « patrimoine ». Prendre en compte la forme urbaine du village et son site dans les projets d’extension. Prendre en compte et valoriser la diversité du patrimoine bâti, sans hiérarchie en fonction de l’ancienneté.
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    • Soigner les parcelles agricoles et de jardins formant l’écrin du village ou du bourg. Limiter l’enfrichement des versants. Dégager la végétation aux abords des villages pour conserver leur lisibilité.
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    • Porter une attention particulière aux routes d’accès et aux entrées. Gérer les périphéries des villages : plantations, chemin de tour de village, abords du cimetière…
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    • Inventorier et réhabiliter le patrimoine : château, église, chapelle, fermes, donjon…
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    • Sensibiliser les propriétaires à l’intérêt du bâti et à la spécificité de son implantation. Prendre en compte la variété des modes de construction ; repérer les spécificités pour éviter l’uniformisation. Impliquer les professionnels du bâtiment pour sauvegarder et valoriser cette diversité.
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    • Alimenter les sites d’information sur toutes les données patrimoniales. Restituer aux habitants la connaissance sur la valeur patrimoniale de leur bien.
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    • Veiller à la cohérence des lots en cas de divisions de propriétés pour favoriser l’intégrité du bâti et son avenir, mais aussi pour garder l’image d’ensemble. Etudier avec soin tout phénomène de densification.
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    Valoriser les espaces publics

    Les espaces publics se déclinent de multiples façons, exprimant ainsi une grande diversité au sein des villes et des villages. Ils participent à structurer l’espace urbain et à le rendre lisible. L’attrait et le charme des villages, des bourgs et de la ville sont fortement liés à la qualité de leurs espaces publics et à leur harmonie avec le cadre bâti. Lieux d’accueil et de découverte, ils constituent le cadre quotidien des habitants mais aussi des visiteurs. Ils sont incontournables de la vie publique, participant à fédérer une vie sociale riche et partagée. Les places, lieu du marché et point de centralité autour de l’église, la mairie, l’école et les commerces, apparaissent comme les plus évidents à identifier et valoriser. Mais il ne faut pas oublier les rues, les avenues, les boulevards, les parcs, les quais, les venelles et allées, les mails d’arbres, les promenades…qui chacun à leur manière, animent la cité et le paysage urbain. Ces lieux mettent en valeur les spécificités du bourg : abords des monuments, belvédère, berges de la rivière…

    Les espaces publics sont aussi un moyen de recomposer des secteurs existants en recréant des liens entre des quartiers isolés ou tournés sur eux-mêmes. Les espaces publics permettent également de relier le village ou le bourg à son entourage par des circulations douces ou par des aménagements de transition : parc public, chemin planté de tour de bourg, jardins familiaux, voie cyclable…

    Pistes d’actions envisageables :

    • Aménager les entrées de bourg pour marquer la transition entre la campagne et le bourg. Mettre en valeur les traversées urbaines et les ponts y donnant accès. 
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    • Mettre en valeur les espaces publics en belvédère sur les vallées. Gérer la végétation pour conserver les vues. 
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    • Conserver l’esprit et l’harmonie des lieux dans les aménagements des espaces publics. Valoriser les espaces publics en lien avec le patrimoine bâti remarquable.
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    • Préserver le cachet des places et les mettre en valeur. Trouver un équilibre entre stationnement et convivialité des espaces publics. Révéler l’histoire et soigner la qualité des aménagements. Affirmer les centralités par des espaces publics structurants.
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    • Respecter et valoriser le caractère rural des centres des villages et des bourgs. Privilégier l’utilisation de matériaux locaux dans les aménagements. Utiliser un vocabulaire simple mais de qualité pour les aménagements des espaces publics : sol sablé, pierre, arbres, pelouse, suffisent dans bien des cas à composer des espaces de qualité. Eviter l’imperméabilisation systématique des sols. Favoriser l’infiltration directe lorsque cela est possible (Privilégier les surfaces enherbées ou sablées au bitume. Maintenir les bas-côtés enherbés le long des rues).
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    • Utiliser l’arbre à bon escient pour structurer l’espace des entrées (alignement) ou des places (mail). Utiliser l’arbre pour climatiser les espaces publics.
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    • Prévoir dans toute extension urbaine des espaces publics en lien avec le centre bourg. Utiliser les espaces publics pour structurer les nouveaux développements urbains.  Donner une place aux circulations douces.
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    • Adapter l’aménagement de la rue en fonction de la composition urbaine : rue, boulevard, venelle…
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    • Recomposer des espaces publics avec l’eau. Mettre en scène les façades urbaines sur la rivière. Valoriser le passage de l’eau comme élément fédérateur d’espaces publics.
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    • Aménager des espaces de transition entre ville et campagne. Aménager des tours de villages attractifs en complément du centre ancien. Prévoir des circulations douces en relation avec le centre bourg et sa périphérie.
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    Améliorer la qualité des zones d’activités

    Les zones d’activités s’étendent au contact des routes et des agglomérations. Elles constituent souvent un monde monofonctionnel, déconnecté de son environnement et tourné sur lui-même. Leurs emprises peuvent être très étendues. L’agglomération de Poitiers et les abords de la RN 10 ont été particulièrement sollicités pour leur installation, mais on retrouve des zones d’activités aux entrées de bourgs et villages, ou parfois isolées au sein des cultures. Les activités s’étalent le long des axes modelant ainsi un ruban de façades bien visibles depuis la voie, souvent sur une faible épaisseur. Cet urbanisme s’accompagne de nombreuses enseignes, de vastes aires de stationnements ou de surfaces de stockage. En l’absence de projet architectural et paysager de qualité, ces zones composent des séquences d’entrées de villes peu qualitatives.

    L’enjeu est de concilier l’effet de vitrine pour les entreprises et l’image de la ville. Le dynamisme économique de la commune n’est un atout que s’il s’accompagne d’une qualité des aménagements et de la composition urbaine et paysagère de ces activités. Les enjeux concernant les zones d’activité reposent sur leur localisation et la relation avec leur entourage  et sur leur composition. Les zones d’activités doivent être conçues comme un quartier urbain, présentant une diversité d’usages et d’accès. Des espaces de transitions sont à prévoir pour mieux les relier à leur contexte tant urbain que rural. Les espaces publics gagneraient à être structurés et hiérarchisés, avec un aménagement qualitatif au moins sur les voies principales. Un cadre réglementaire pour les parties privées peut être aussi proposé (emplacement des bâtiments, recul, volumes et gammes de couleur, positionnement des aires de stockage et de stationnement, traitement des limites, clôtures, gamme végétale…).Tous ces objectifs doivent être mutualisés pour créer un projet d’ensemble commun et harmonieux.

    Pistes d’actions envisageables : 

    • Choisir le lieu d’implantation des zones d’activités en se questionnant sur la perception de la silhouette du bourg depuis les routes d’entrée. Eviter les positions dominantes très visibles. Evaluer les concurrences visuelles.
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    • Eviter le développement linéaire sans épaisseur.
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    • Imposer un plan de composition urbain et paysager. Préverdir pour gagner du temps. Prévoir une charte architecturale et paysagère. Favoriser l’implantation d’arbres de haut jet adaptés à l’échelle des bâtiments.
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    • Prôner un développement durable et économe de l’espace dans les documents d’urbanisme. Adapter le développement à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols. Adapter les documents d’urbanisme pour permettre une densification des zones d’activités.
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    • Encourager la mixité des programmes.
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    • Favoriser la réutilisation des parcelles désaffectées plutôt que la consommation de nouvelles parcelles. Requalifier certaines zones existantes.
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    • Aménager les zones d’activités par un projet paysager de qualité. Penser son aménagement comme un quartier urbain qui forme la porte d’entrée du bourg. Adapter la zone à son contexte d’implantation (superficie, structure parcellaire, forme urbaine, végétation en place…)
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    • Aménager les limites de la zone d’activité qui en constitue l’enveloppe.
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    • Placer les stockages et les stationnements à l’arrière des bâtiments ou en retrait des vues.
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    • Privilégier les bâtiments de teintes sombres et les matériaux non réfléchissants.
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    • Privilégier un alignement rigoureux des façades afin de structurer l’espace de la voie.
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    • Mutualiser les stationnements dans les zones commerciales. 
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    • Utiliser des végétaux à l’échelle du bâti : planter des arbres de haut-jet pour structurer les voies. Planter les routes d’accès ou en périphérie.
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    • Privilégier la discrétion des clôtures lorsqu’elles sont nécessaires et les harmoniser.
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    • Réglementer l’affichage publicitaire et les enseignes.
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    • Aménager des circulations douces (piéton, vélo).
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