Plaine de Neuville
Représentations culturelles de la Plaine de Neuville
Les grandes étendues de champs ouverts de céréales ou d’oléagineux sont, de manière générale et quelle que soit la région où elles se déploient, peu sujettes aux représentations artistiques ou populaires (cartes postales, images du tourisme). La plaine de Neuville ne déroge pas à cette règle. Les peintures, les photographies anciennes manquent à l’appel pour nous parler de ces paysages, et les images mentales contemporaines restent fixées sur une agriculture industrielle et mécanisée sans relief ni pittoresque. De la Plaine de Neuville, exempte de ville importante, se dégagent cependant quelques images : aériennes, diffusées tout d’abord par les cartes postales à partir des années 1950 puis par les beaux livres friands de ce type d’images, et patrimoniales (monument mégalithique, moulin à vent, façade de château ou église romane). Aujourd’hui, malgré quelques photos sur les sites internet de partage d’images, les représentations restent insuffisantes pour révéler les qualités des paysages de la Plaine de Neuville, ses ciels majestueux au-dessus d’horizons infinis, piqués d’amandiers et de noyers, leurs lumières diffusant les harmonies des couleurs de la terre nue, des cultures et de la pierre calcaire.
Délimitée par les massifs anciens de Vendée (extrémité méridionale du Massif armoricain) et du Limousin, la plaine du Poitou dessine un croissant allant de Loudun à Luçon. Calcaire, elle est entaillée de profondes vallées. À peine interrompue par de gros villages et à peu près dépourvue d’arbres, elle étend à l’infini ses champs (dévolus à la production de céréales), ses landes et ses prés.
Des nuances de paysages sont perceptibles. Au nord, la plaine s’apparente à la Touraine ; de Thouars à Châtellerault, la craie tourangelle affleure, tapissée de maigres cultures et de landes que tondent les moutons. »
Poitou-Charentes, Michelin (guides verts), 2019
La terre plate est recouverte d’un damier géant, dont les couleurs et même les cases se transforment d’une semaine à l’autre. En hiver, c’est une vaste étendue ocre et verte, légèrement hachurée par les labours, où les zones pierreuses introduisent des taches claires. Les lignes brutales des silos de métal ou de ciment, ainsi que les profils des silos à maïs aux cases grillagées s’enlèvent sur les guérets et les pousses menues des céréales. Au printemps les verts recouvrent presque tout l’espace, mais à la fin avril et au début de mai la plaine devient somptueuse, parée de l’ocre rougeâtre des terres labourées des verts tendres ou profonds des blés et des orges que le vent ride d’une houle argentée, et surtout des jaunes des colzas qui explosent sous le bleu encore pâle du ciel. Puis les fleurs des colzas disparaissent : alors les céréales mûrissantes recouvrent la plaine, dont les verts palissent, peu à peu remplacés par les jaunes annonciateurs des moissons ; vers le milieu de juillet explose une nouvelle fête de la couleur, celles que célèbrent les champs de tournesols dont la splendeur répond en plus chaud, dans une nuance plus proche de l’or, à celle des colzas défunts. Puis la plaine dépouillée ressemble à une steppe monotone, sur laquelle ne se dressent plus que les hampes des maïs, tandis que les machines s’affairent pour préparer les moissons futures. »
In : Poitou (Haut-Poitou) : Deux-Sèvres, Vienne, C. Bonneton, 1983, p. 304
Les images de la plaine
Les photographies aériennes
Elles sont les principaux supports des représentations de la Plaine de Neuville. Largement diffusées notamment par la carte postale à partir des années 1950, elles ont l’avantage de révéler à la fois son étendue et son organisation.
Cette vue aérienne à visée pédagogique de la fin des années 1950 montre la vaste étendue de la plaine, animée par quelques arbres isolés.
Plus au sud, cette autre image aérienne, centrée sur le village d’Avanton met en valeur le bâti (église romane, petit manoir, pigeonnier) et montre les parcelles déjà très remembrées de la Plaine de Neuville où les arbres sont rares.
Extraite d’un livre commandé par le Conseil départemental pour mettre en valeur des parcours de randonnée dans le département, cette photographie aérienne illustre un chapitre consacré aux « Grandes plaines de Neuville ». Le commentaire met en évidence la difficulté de valoriser ce type de paysage de « vastes plaines agricoles dominées par les grandes cultures, au relief peu prononcé (…) typique du paysage d’openfield (…) parfois déprécié pour son assimilation à une agriculture dite intensive ou industrielle. [1] » L’auteur insiste ensuite sur le fait que ce paysage de champs ouverts, dépourvu de haies, est cependant et malgré ses évolutions, traditionnel de la plaine, où les arbres isolés (amandiers et noyers) « soulignent le paysage », tout en déplorant que « leur présence a fortement reculé avec la diminution de la taille des exploitations et l’agrandissement des parcelles, parfois accentuée par la faible diversité des assolements. »
Les motifs de la Plaine de Neuville
Chaque élément qui s’érige au-dessus des vastes étendues planes prend une grande importance dans le paysage. Dans les représentations, ces motifs sont souvent mis en valeur.
Une image ancienne et rare du paysage de la plaine, prise à hauteur d’homme, montre le travail des champs. Datée sans doute de la première moitié du XXe siècle (la charrue est encore attelée à des bœufs), elle révèle un paysage très typé : grandes parcelles, absence de haies, village groupé entouré de jardins, et quelques arbres isolés animant l’uniformité des champs déjà moissonnés. Chaque ondulation du relief, comme ici au premier plan, contribue à donner aussi du contraste au tableau de la plaine.
L’arbre isolé
En cassant l’uniformité des paysages de grandes cultures, l’arbre d’alignement ou isolé au milieu d’une parcelle est devenu un motif prisé des photographies contemporaines.
L’arbre isolé dans le champ rompt l’uniformité de la plaine cultivée et accroche l’œil du photographe.
Malgré des effets de retouche trop visibles, cette photo met en valeur l’alignement d’arbres, très présent dans le paysage de la route aux alentours de Neuville-de-Poitou.
Le patrimoine bâti
Dans la plaine de Neuville qui, d’une manière générale, manque de « curiosités naturelles », chaque élément bâti, dolmen, château, église, pigeonnier, moulin ou donjon devient un élément fort d’identification du territoire.
Les mégalithes
Comme ailleurs, les mégalithes (menhirs, dolmens) ont été représentés très tôt comme objets d’intérêt dans la Plaine du Neuville [2]. Les cartes postales anciennes sont nombreuses à mettre en valeur ce patrimoine (Pierre Levée aux abords de Neuville-de-Poitou, dolmens et tumulus des environs d’Arcay et de la Dive…). L’iconographie contemporaine les a depuis délaissés.
Deux cartes postales du début du XXe siècle qui s’attachent à montrer l’imposance des dolmens. À Arcay, la présence des chasseurs sert principalement à donner une échelle au dolmen, alors qu’à Neuville, les personnages mis en scène par le photographe, dont l’un a un bras tendu vers le hors-champ, semblent nous indiquer de porter aussi attention au paysage de la plaine alentour.
Les représentations des mégalithes de la Plaine de Neuville sont devenues plus rares aujourd’hui, notamment dans l’imagerie touristique. En revanche, cette laiterie de Moncontour a choisi d’en faire un emblème sur les étiquettes de cette boîte de fromage (ici du camembert). Une occasion sans doute d’inscrire la production agricole dans un lieu identifiable et dans un terroir figuré ici par un grand pré vert bien plan, bordé à l’horizon d’un bois, et animé d’un bel arbre isolé et en fleurs.
Le moulin à vent
Le moulin à vent est dans doute le motif patrimonial qui, en termes de représentations, a le mieux résisté au temps. Cartes postales anciennes, modernes et photographies contemporaines s’y attachent toujours avec plaisir.
Villes, églises, châteaux et petit patrimoine
Moncontour est certainement le site le plus représenté de la Plaine de Neuville. Les châteaux, prennent également une place importante dans l’iconographie patrimoniale, davantage encore que les églises.
La célèbre bataille qui opposa, lors des Guerres de religion à la fin du XVIe siècle, le roi de France catholique Charles IX aux huguenots menés par Gaspard de Coligny a favorisé les représentations de Moncontour, comme l’atteste ce dessin de la fin du XVIIe où le village est figuré pour lui-même et non pour son champ de bataille. On y reconnaît sans peine le donjon, motif très présent dans l’iconographie touristique contemporaine, surplombant l’ensemble urbain qui s’étire le long de la Dive. La rivière et, au premier plan, le réseau de ses affluents, sont tous représentés bordés d’arbres et de prairies.
Avec l’essor de la photographie, la représentation de Moncontour se perpétue de la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Joël Robuchon se concentre sur la motte et le donjon. La carte postale de 1923 propose une vue du paysage urbain dans son site depuis le donjon.
Un panneau touristique représente les étapes du sentier. Y figure en bonne place un dessin en vue aérienne oblique de Moncontour qui tout en détaillant son organisation urbaine et le réseau des lavoirs le long des divagations de la Dive, met en exergue la butte où se tient le donjon qui domine la plaine agricole.
Pour finir leur reportage sur les lavoirs, les deux protagonistes du site Internet montrent depuis le haut du donjon et lui conférant ainsi un statut de belvédère, le paysage de la plaine environnante.
Deux sites en marge : la Dive et la forêt de Scévolles
La vallée de la Dive et son canal sont pratiquement absents de l’iconographie ancienne. Il en est de même de la forêt de Scévolles située à l’est de l’unité de paysage. Aujourd’hui, elles émanent surtout dans le contexte des circuits de randonnée.
Forêt de Scévolles
Chemins de randonnée et loisirs liés aux étangs sont les deux principales sources d’inspiration des images de la forêt aujourd’hui.
Représentatives des images les plus largement diffusées, ces ceux photos à visée touristique donnent des éléments d’identification des ambiances de la forêt de Scévolles.
La Dive : une vallée sans images
En limite nord-ouest de l’unité de paysage de la Plaine de Neuville, les images de la Dive et de son canal semblent encore plus rares que celles de la forêt. Les images du pont gallo-romain de Curçay qui ne montrent pas la vallée sont les seules à les documenter.
C’est sans doute le site d’encyclopédie en ligne Wikipedia qui document le mieux en images le paysage du canal de la Dive comme ici au sud de Curçay où le photographe se plait à jouer des reflets et des jeux des lignes horizontales des différents plans du canal et verticales des peupliers de la peupleraie.
[1] Daniel Tranchant, in : La Vienne à parcourir, La geste, 2020, p. 133
[2] Voir aussi : Quelles images de paysages pour la Vienne