Les falaises du Clain à Poitiers

    Poitiers, ville aux deux rivières, a choisi pour s’implanter une situation géographique particulière. Le cœur historique est juché sur un plateau, encaissé à l’ouest par la vallée de la Boivre, à l’est par la vallée du Clain, les deux rivières se rejoignant au nord du plateau. Le versant ouest côté Boivre est abrupt, il a nécessité la mise en œuvre d’ouvrages de soutènements et de rampes tandis qu’à l’est, la ville dévale le versant sans chercher à ralentir la pente, comme l’expriment la grand rue ou la rue Jean Jaurès. L’extrémité sud est soulignée par les anciens remparts qui soutiennent la promenade plantée du parc de Blossac. Si les pentes côté ville sont raides, il en est de même sur les versants opposés, tant dans la vallée de la Boivre que celle du Clain.

    La singularité de la vallée du Clain tient à ses méandres prononcés et à la présence de falaises rocheuses, qui, au gré des méandres, borde l’une ou l’autre rive, tantôt en rive droite, tantôt en rive gauche. Au sud de la ville, en limite avec St-Benoit, la falaise est en rive gauche, son élévation avoisine 50m de dénivellation au centre du méandre, elle se prolonge jusqu’au parc de Blossac tout en perdant de la hauteur. Puis à partir du Pont Neuf, c’est en rive droite que le versant s’élève pour rejoindre le plateau des dunes. Il se prolonge ainsi jusqu’au vallon secondaire dans lequel s’est glissée la pénétrante, puis, il se redresse pour rejoindre le plateau des grands dunes, en lisière du quartier des Couronneries. Ensuite, il s’infléchit puis s’efface, le terrain se rapprochant du niveau de la rivière.  A l’inverse, en rive gauche, après la confluence d’avec la Boivre, les falaises se dressent de nouveau, sur plusieurs centaines de mètres.

    Une géologie affleurante

    La présence des falaises et de leurs rochers qui se tiennent quelquefois en porte-à-faux, rend sensible et visible le socle géographique de la ville, sa naturalité et même sa nature géologique. Malgré le développement de la ville et la densité bâtie, le site d’origine reste en partie visible, il est présent, il a « résisté » aux extensions. Une des raisons de cette permanence tient en partie à la protection au titre des sites de certaines séquences des falaises, comme le rocher de Coligny en rive droite, et le rocher du Porteau en rive gauche. Avant leur protection, ces falaises étaient déjà considérées comme des curiosités naturelles et servaient de sujet pour des cartes postales.

    Rive droite, rive gauche : des paysages différents

    Les deux rives ne se ressemblent pas, chacune ayant ses atouts. En rive droite, face à la ville historique, les rochers sont souvent cachés par des constructions ou de la végétation, bien que le rocher de Coligny et le rocher de la vierge restent identifiables. Les escaliers sont raides mais intéressants. D’une part, ils grimpent sans détour, face à la pente ce qui donne à appréhender physiquement la dénivellation, d’autre part ils permettent de profiter de vues intermédiaires latérales sur les rochers saillants. Mais l’agrément de la rive droite tient également aux continuités piétonnes et visuelles entre la rivière et son versant. En rive gauche, le paysage est différent. Au sud, la perception de la falaise est réservée aux riverains et aux promeneurs qui empruntent le chemin en rive du Clain, dans une ambiance bucolique, très éloignée de la densité bâtie, préservée par la coupure de la voie ferrée. Puis, à l’aval de la confluence, le paysage est encore différent. La falaise est complètement verticale, il n’y a aucune construction, si ce n’est sur le haut du plateau, quelquefois en rebord.  Les rochers sont bien dégagés, des sentiers sont possibles pour rejoindre le plateau. Mais le lien paysager entre la rivière et les falaises est sectionné par la route.

    De balcons en balcons

    L’autre qualité des falaises est d’offrir des points de vue remarquables, sur la ville ou ses environs selon la rive depuis laquelle on regarde, depuis le haut des rochers du Porteau, au sentier des grandes dunes, puis au belvédère des dunes, sans compter les promenades en pied de falaises. La configuration des sites et les aménagements qui ont été mis en place au cours des ans, ont permis de sauvegarder des espaces publics en balcon, dans un environnement où beaucoup de terrains ont été construits en réservant les vues aux seuls résidents. Néanmoins, il serait agréable d’estomper les césures routières et de proposer une continuité de promenade qui permettrait de découvrir le socle d’implantation de la ville et ses falaises tantôt en pied tantôt en haut pour bien comprendre cette géographie et fréquenter au quotidien cette naturalité si forte.