Paysages urbains de la Vallée de la Vienne

Traversant tout le département du sud au nord, la Vallée de la Vienne a fédéré l’implantation des villages, des bourgs et des villes. Les paysages bâtis y sont aussi variés que le cours de la rivière, le profil de la vallée et la nature des versants.

    Les paysages bâtis de l’unité sont aussi variés que le cours de la rivière, le profil de la vallée et la nature des versants. D’Availles-Limouzine aux Ormes, c’est une grande diversité de formes urbaines, d’architectures, et de matériaux que l’on découvre au fil de l’eau. Une dizaine de communes s’étendent de part et d’autre de la rivière. En général, le cœur de ville a privilégié une rive et n’a développé qu’un quartier secondaire sur la rive opposée. C’est le cas par exemple à Civaux, établi en rive gauche avec le quartier de la Tour au Cognum en rive droite, tout comme Bonneuil-Matours, également en rive gauche, dont le port se trouvait en rive droite. A l’inverse, Châtellerault et Chauvigny se sont établis en rive droite, avec des quartiers en rive gauche, qui, au XIXème siècle étaient moins étendus et moins urbains. A deux reprises seulement sur le cours de la rivière, des bourgs se font face, l’Isle-Jourdain et le Vigeant, quartier de Bourpeuil, et Lussac-les-Châteaux et Mazerolles. Dangé-St-Romain est un cas particulier : deux bourgs distincts établis en vis-à-vis, ont été réunis pour devenir une seule ville.

    Mise à part cette distribution des ensembles bâtis de part et d’autre de la rivière, il n’y a pas de typologie dominante qui permette de décrire ces paysages par famille, comme cela est proposé pour les autres unités paysagères. La seule ressemblance qui s’exprime concerne les communes au nord de Châtellerault où l’élargissement de la vallée et la présence de la route nationale en rive droite, ancienne « grande route de Bordeaux à Paris » a généré une urbanisation linéaire ancienne. C’est ainsi que la traversée de Dangé-St-Romain ou celle des Ormes, présentent un paysage bâti qui s’étire sur plus d’un kilomètre, avec des architectures et une forme urbaine dessinées pour la route. A Ingrandes, la position de la route entre le cœur de bourg et la rivière a été moins favorable.

    Ces paysages bâtis condensent de nombreux points d’intérêt, qu’il s’agisse des lieux de contact avec la rivière, ouvrages d’art et quais, ou bien à l’inverse, des vues panoramiques d’où l’on embrasse du regard l’ensemble bâti implanté dans son site de vallée.

    Un point à souligner que l’on retrouve tout au long de l’unité : c’est la dimension patrimoniale qui s’exprime tant dans les dispositifs défensifs, enceintes et tours, que les édifices religieux et le patrimoine civil, c’est-à-dire les maisons de ville. Cette présence de bâti très ancien témoigne d’une occupation humaine ancrée dans les siècles et contribue à la singularité des paysages bâtis.

    S’il n’y a pas de typologie villageoise récurrente sur cette unité, par contre, on rencontre au gré de ces paysages bâtis, des éléments répétitifs intéressants.

    Des rues à flancs de versant

    L’implantation en vallée implique dans certaines séquences de la rivière, une topographie marquée et favorise des architectures de pente. Soit le bourg s’implante à flanc de versant, comme Availles-Limouzine qui se déploie depuis l’ancien bourg fortifié en bord de rivière jusqu’à l’église en position dominante ; soit il choisit le haut du relief comme l’Isle-Jourdain, organisée autour de la place d’Armes mais qui se rattache à la rivière par la Grand’rue du pont, rue escarpée très ancienne qui à la manière d’un faubourg concentrait les artisans. Ces contraintes topographiques génèrent des paysages bâtis de caractère où les maisons s’adaptent à la déclivité et semblent s’adosser les unes aux autres. L’effet pittoresque est aussi sensible d’en bas que d’en haut.

    De très grandes places publiques

    Châtellerault avec la promenade de Blossac et Chauvigny avec la Place du marché disposent de vastes espaces publics, majestueux, arborés qui sont la plupart du temps les empreintes de dispositions défensives antérieures ou bien des lieux d’articulation entre différentes périodes de développement de la ville. Ce sont de grands espaces publics mais ils sont à l’échelle de ces villes.

    Mais la Vallée de la Vienne recèle également plusieurs exemples de grandes places dans des bourgs ou même des villages de taille modeste. Comme le montre le cadastre napoléonien, ces grandes places géométriques sont le fruit de projets postérieurs aux années 1830, qui viennent en articulation avec un développement urbain  « hors les murs », en extension du cœur historique. C’est le cas à Lussac-les-Châteaux, Vouneuil-sur-Vienne, Bonneuil-Matours où ses places n’existent pas encore au début du XIXème siècle. Ces places ont des points communs : leurs dimensions, leur géométrie plutôt orthogonale, et la présence d’alignements d’arbres, plutôt cantonnés en périphérie.

    Chauvigny, une silhouette épique

    C’est une ville exceptionnelle du fait de sa topographie et des architectures monumentales qui se dressent sur ce relief contraint. Silhouette épique constituée d’un patrimoine médiéval spectaculaire, c’est aussi une ville basse, bien construite, aérée, dotée de belles esplanades plantées et à proximité de la rivière. La ville présente différents visages, le paysage change selon que l’on circule près de l’ancien port, place du marché, ou bien si l’on gravit les rampes pour se rapprocher du cœur patrimonial et profiter du panorama, tant sur le bâti que sur les versants alentour. Les ambiances sont contrastées, on peut passer d’une rue étroite à un ensemble de jardins à peine dissimulés derrière leurs murs de pierre. Par contre, les affluents de la Vienne, le Montauban et le ruisseau de Talbat ont pratiquement disparu de la ville.

    Châtellerault, une ville en rive

    L’œuvre monumentale «  comme deux tours  » créé par le plasticien Jean-Luc Vilmouth a mis en place une passerelle entre deux cheminées de la Manufacture, qui offre une belle opportunité pour découvrir cette ville implantée en bord de rivière, dans une séquence de vallée ouverte. En effet, il est difficile de comprendre de prime abord une ville horizontale, d’identifier la structure viaire, de se repérer dans le tissu des extensions, d’appréhender les versants, les limites de la vallée. Cet ouvrage aérien permet d’embrasser du regard la ville dans son ensemble et de relier visuellement ses deux rives. C’est l’occasion d’une lecture facilitée de la ville dans son site. L’observation des plans complémente cette vue panoramique et montre les permanences comme les changements de la forme urbaine. L’ancienne ville fortifiée a conservé sa forme, son maillage de rues dont la rue Bourbon, ancienne Grand’rue, parallèle à la berge qui traversait toute la cité. C’est un paysage bâti dense, constitué de rues peu larges avec des immeubles de 2 à 3 niveaux. Le tuffeau(Craie poreuse à grain fin. Le terme peut désigner la roche, la pierre de construction, parfois le sol) est assez présent, il y a aussi des maisons à colombage. A l’extérieur, au-delà de la promenade Blossac, la ville s’est constituée plus récemment, les rues s’élargissent et le bâti se diversifie. Il est intéressant de noter les travaux de requalification en cours sur l’entrée sud, qui intègrent un ensemble de barres d’immeubles dans un paysage d’entrée de ville.

    Un patrimoine important

    La vallée de la Vienne, lieu de passage stratégique, soit par le franchissement de la rivière comme à Availles-Limouzine par laquelle passait un chemin saunier qui faisait remonter le sel depuis l’Atlantique vers le Limousin, soit par les voies qui longeaient la rivière, comme la route de Bordeaux à Paris, ou de Poitiers à Limoges, a fédéré des implantations humaines importantes depuis des siècles. Certaines activités ont nécessité des protections comme des enceintes défensives, des tours ou des donjons. Il existe également un patrimoine religieux composé d’églises romanes remarquables, un patrimoine civil dont témoignent des maisons de ville ou hôtel particulier comme l’hôtel Sully à Châtellerault. Mais il existe aussi d’autres patrimoines, plus directement liés à la rivière, ce sont les ouvrages d’art, ponts et barrages, également le patrimoine industriel que la force hydraulique a attiré en rive, comme le bâtiment de l’usine hydroélectrique de la Roche (à Millac) conçue à partir d'une esquisse de Le Corbusier.