Représentations culturelles de la Vallée de la Vienne
Les cartes postales anciennes sont nombreuses à documenter les sites urbains le long de la rivière, comme à Châtellerault, Lussac-les-Châteaux ou encore Chauvigny. Mais ce sont les œuvres des peintres-paysagistes, par leur sensibilité, qui insufflent la plus grande charge émotionnelle aux sites et ambiances de la vallée.
Des ambiances de nature
Artistes peintres ou photographes s’attachent aux ambiances de la Vienne, à ses couleurs, ses effets de miroir, aux différents caractères de son cours.
Dans cette représentation de la vallée de la Vienne à Chauvigny, autant réaliste par la précision du rendu des éléments du paysage que romantique par la lumière crépusculaire qui l’enveloppe, le peintre poitevin décrit principalement les motifs naturels de la vallée : la rivière qui descend tranquillement son cours de petits barrages en îlots herbus, son coteau abrupt, les peupliers qui longent sa rive… Le volume du moulin, seul élément qui indique la présence de l’homme dans le paysage, semble volontairement réduit par rapport à celui de la vallée qui embrasse tout l’espace.
Robert Planès, peintre montmorillonnais, donne ici une vision plus « naturelle » encore de la rivière dans laquelle les arbres ont envahi tout l’espace des rives et des coteaux. L’emploi de couleurs froides pour l’arrière-plan et de nuances plus chaudes pour les arbres du premier plan accentue le sentiment de nature de la vallée par le contraste ainsi créé.
La Vienne ne se soumet pas tout de suite à la résignation poitevine. Elle se sent tourmentée par ses origines ; elle s’impatiente et bouillonne ; elle ne s’acclimatera complétement qu’après avoir baigné L’Isle-Jourdain. Deux barrages industriels la tiennent un instant prisonnière ; elle leur échappe pour écorcher d’eau fumante une série de petits îlots semés entre ses rives.
Jacqueline Jacoupy, Vendée, Deux-Sèvres, Poitou, R. Arthaud, 1944
À gauche, le coteau abrupt et les peupliers le long de la rive et sur les îles caractérisent ici la vallée. Proche dans le motif de la peinture d’Alphonse Combe-Velluet, cette image de la fin du XIXe siècle montre un ensemble d’éléments (la rivière, les peupliers, les îles, le coteau, le moulin) construisant un paysage de douce harmonie où l’emprise du moulin, tout au fond de l’image, ne donne qu’une place très modeste à l’activité humaine.
Sur l’image de droite, la rivière, bien plus en amont de Chauvigny et bien plus étroite et rocailleuse, prend des airs montagnards entre des coteaux rocheux et abrupts.
À Bonneuil-Matours, à proximité de Châtellerault, bien en aval, la rivière est montrée assagie. Prise encore dans des coteaux très boisés sinon forestiers, l’image met au jour un autre caractère « naturel » de la vallée.
Les villes et la Vienne, couple inséparable des représentations
En aval, Châtellerault
Les représentations de Châtellerault sont centrées sur la Vienne et les constructions qui la bordent. Les ponts, notamment le pont Henri IV, un des emblèmes de la ville, et les quais y sont des motifs privilégiés. Les images contemporaines sont liées à son statut patrimonial et historique (ville et pays d’art et d’histoire, centre ancien protégé par un Site patrimonial remarquable (SPR), et poids historique et urbain de l’ancienne manufacture d’armes, « la Manu »). En revanche, les barres et les tours construites dans années 1960 qui marquent très fortement le paysage contemporain sont quasi-absentes des représentations.
La ville et son site
La ville du XVIIe siècle, entourée de remparts, est représentée ici dans son site, au bord de la Vienne dont le cours animé par des bateaux et par le pont structure toute l’image.
A la fin des années 1950, la photo aérienne montre le développement urbain de Châtellerault réparti de part et d’autre des rives de la Vienne : en rive droite, la vieille ville, et l’urbanisation plus récente, notamment industrielle qui a investi la rive gauche est marquée par l’emprise de la manufacture d’armes au premier plan.
Les ponts sur la Vienne : des emblèmes
Les images des ponts qui traversent la Vienne à Châtellerault sont innombrables. Le pont Henri IV est devenu ainsi un des principaux motifs de représentation de la ville, hier comme aujourd’hui.
À gauche, sur le rideau de scène du théâtre Blossac de Châtellerault, l’emblème de la ville, le pont Henri IV qui enjambe la Vienne, est représenté vu depuis l’aval. A droite, le peintre, dans un cadrage beaucoup plus lointain, privilégie les lumières du ciel se reflétant dans les eaux de la Vienne, cadré par la silhouette de la ville à droite et, à gauche, par la rive boisée au premier plan. Le pont et ses tours identifient l’ensemble urbain.
Les quais
Au début du XXe siècle, les quais font partie des figures choisies par les photographes pour illustrer le paysage urbain de Châtellerault. Eléments de représentation peu repris par la suite, les projets d’aménagements récents des berges de la Vienne, font renouer avec cette ancienne tradition.
Deux images montrant la même affection des photographes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle pour le motif du quai. Le point de vue est quasi le même, l’image de gauche proposant un plan plus rapproché que celle de droite ouvrant davantage sur le paysage de la rivière dont on aperçoit même les îles.
Le projet d’aménagement des bords de la Vienne amène, de la part des maitres d’œuvre et maitres d’ouvrage, à la réalisation d’images à visée pédagogique. Celle-ci, ci-dessus, tout en gardant les repères du pont Henri IV et de ses tours que l’on aperçoit à l’arrière-plan, privilégie les ambiances de détente et de loisir à une représentation vraiment paysagère incluant la rivière.
Le long de la Vienne, la figure de l’ancienne manufacture d’armes
Autre motif récurrent du paysage urbain de Châtellerault, la manufacture d’armes dont les quais, le pont en ciment armé, les cheminées et l’emprise paysagère et économique ont profondément marqué le paysage de la ville. Aujourd’hui, l’ancien ensemble industriel réhabilité et qui accueille notamment des services publics (le Grand atelier musée d’art et d’industrie, le conservatoire de musique et de danse, la patinoire, l’école nationale de cirque…) est devenu aussi motif de promenade et de découverte touristique (skate park, départ de balade en bateau sur la Vienne).
Construite en 1819 et définitivement désaffectée en 1968, la manufacture d’armes de Châtellerault est un lieu de mémoire important dans la ville. Son emprise au bord de la Vienne en fait un objet de représentation et de paysage depuis la fin du XIXe siècle.
Des panneaux d’interprétation urbains et historiques jalonnent le site de « la Manu ». Ils proposent « in situ » et « in visu » parfois dans une mise en abime, une représentation du paysage urbain au travers de son évolution.
Chauvigny : silhouettes urbaines et panoramas sur la vallée
Panoramas
Depuis les hauteurs de Chauvigny, on embrasse largement le paysage. Les représentations anciennes, se sont emparées de cette qualité pour donner à voir le paysage de la vallée. Les images contemporaines sont moins nombreuses à privilégier ce panorama.
À proximité de la ville, de nombreux jardins occupent une terrasse de la Vienne. La campagne bocagère aux haies et les bois assez denses occupent tout l’arrière-plan de ce large panorama photographié depuis les hauteurs de Chauvigny vers la vallée amont de la Vienne.
Le site de Chauvigny est un des plus pittoresques du Poitou.
M.A. de Longuemar, Géographie populaire de la Vienne, 1869
Le cadrage de cette belle vue aérienne de la vallée la rend assez proche d’un panorama classique vu de hauteur d’homme. Elle documente de manière sensible la structure du paysage de Chauvigny organisée autour des ruines du château qui domine la ville. Le regard, guidé par les vieilles pierres érigées du château se dirige vers la tache claire de la rivière et vers un paysage où tout élément urbain a disparu. Le contraste entre la ville et la campagne est ici clair et précis.
Silhouettes
L’église, le château, la vieille tour caractérisent Chauvigny. Leur représentation depuis la ville basse ou les bords de la Vienne est un motif repris depuis au moins la fin du XIXe siècle.
Trois représentations d'époque et de facture différentes pour un même point de vue et un même motif : la ville ancienne de Chauvigny identifiée par les silhouettes de ses principaux monuments.
Ponts, moulins et barrages : les autres motifs du paysage de la vallée
Le château de Touffou, un moment particulier de la vallée
Sur les rives de la Vienne, le château de Touffou est un monument très présent dans le corpus des cartes postales et dans celui des guides touristiques.
À Bonnes, le château de Touffou est un élément du patrimoine très marquant dans la vallée. L’image de gauche, aérienne qui date des années 1950, montre le volume imposant des bâtiments et la dissymétrie des coteaux, avec en rive droite, un large espace de terrasses cultivées adossé à un coteau élevé et boisé, tandis qu’en rive gauche, là où est installé le monument, le coteau plus proche de la rivière offre peu d’espaces ouverts. La carte postale, à droite, met en scène de manière intéressante la symétrie entre rivière et monument qui se répondent mutuellement pour créer un paysage de douce harmonie.
Les ponts, barrages et moulins
Ponts et barrages ponctuent le cours de la rivière. Les cartes postales anciennes et parfois quelques représentations picturales s’attachent volontiers à leur représentation, plus particulièrement à celle des ponts.
À gauche, ce beau panorama est centré sur la retenue d’eau d’Availles-Limouzine situé en amont de l’unité de paysage. La vallée est occupée ici par un bocage bien ordonnancé. Au premier plan, la prairie depuis laquelle la photo est prise qui semble plonger dans l’étendue d’eau permet au spectateur de s’approcher et ressentir ce paysage agricole consacré à l’élevage. Moins sensible que documentaire la vue aérienne de droite se focalise sur l’ouvrage d’art du barrage lui-même.
Une peinture de la vallée à L’Isle jourdain qui conjugue éléments du pittoresque (un village et son église surplombant la rivière traversée par un joli pont) et ambiances de nature de la vallée de la Vienne.
Une grande absente des représentations de la vallée : la centrale nucléaire de Civaux
Cette figure de la vallée de la Vienne, importante tant par son emprise que par sa symbolique est quasi absente des représentations courantes de la vallée de la Vienne. Si de très rares cartes postales des années 1970 la montrent comme un objet de représentation paysagère, sa présence n’est, en réalité, pas considérée comme un élément du paysage contemporain digne d’être représenté.